Tous les jours ou presque, je passe devant cet imposant et magnifique ensemble de bâtiments de la rue Abbé de l’Epée, dont une partie est inscrite au Patrimoine National depuis 2011. Les portes sont fermées, les façades sont noires et seule la nature désormais, ose s’y aventurer. Il y a encore peu de temps, on pouvait y voir la langoureuse glycine en fleurs, entrelacer les grilles et redonner au palais, pour quelques jours, couleur et vie, mais elle a été récemment coupée… chez Jugeote, nous avons eu vent d’un événement qui pourrait bien apporter une autre dimension à ce lieu plutôt austère et surtout lui offrir une petite fenêtre de folie avant que ne commence sa réhabilitation.
Un peu d’histoire…
Le bâtiment a été construit en 1862 par l’architecte Joseph-Adolphe Thiac à l’initiative de Charles-Michel de l’Epée, dit l’abbé de l’Epée (un des précurseurs de l’enseignement spécialisé dispensé aux sourds, mort en 1789). Celui-ci avait commencé à accueillir les jeunes filles sourdes dans plusieurs lieux du quartier, pour leur apprendre le langage des signes afin qu’elles puissent travailler et vivre comme les autres. Le projet de construction ne voit le jour que soixante-dix ans plus tard. On peut d’ailleurs voir le langage des signes directement représenté sur les façades du bâtiment où chacune des lettres de l’alphabet figure avec le signe correspondant.
L’édifice a ensuite été un hôpital et, en 1940 sous l’occupation, il fut réquisitionné par les Allemands. De 1949 à 1958, il devient progressivement le Commissariat Central de Bordeaux, plus connu des bordelais sous le nom de Castéja jusqu’à son départ, plus de 50 ans plus tard, pour Mériadeck en 2003. Il accueille les services de la préfecture jusqu’en 2010.
Vendu à Gironde Habitat
Depuis, l’édifice a été mis en vente, avec un tel cahier des charges qu’il ne reçoit d’abord que peu de demandes. Il aura fallu attendre la loi sur la décote du foncier public pour que les intéressés se manifestent. Il y a quelques mois, le Secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, est venu à Bordeaux pour signer (une première en France dans le cadre de cette loi) l’acte de cession du site Castéja, un des biens de l’Etat le plus important à Bordeaux, au bailleur social Gironde Habitat.
Outre un parc immobilier de 180 logements (45 % en logements sociaux, 20 % en accession sociale à la propriété et 35 % de logements libres qui seront principalement situés dans la partie classée), il y aura un foyer de jeunes travailleurs de 45 places, une résidence hôtelière, un local associatif, un parking souterrain et une école maternelle. Le propriétaire devra conserver les façades, les grilles, la statue de l’Abbé de l’Epée et quelques autres éléments classés.. Gironde Habitat indique qu’il «aménagera un nouvel espace urbain ouvert sur l’extérieur, permettant aux habitants de bénéficier d’un cadre de vie agréable. La livraison est prévue fin 2018.
Un bruit qui court ?
Et voilà la rumeur qui courait, qui courait… et qui vient de se vérifier. Castéja, lieu pas vraiment fun pour la majorité des bordelais, va devenir le berceau de la 5ème expo-happening de Street Art du collectif Transfert. L’an dernier, les artistes avaient investi les 700 m2 des Vivres de la Marine et cette année, énorme, ils vont pouvoir profiter de 3 500 m2 !
TRANSFERT : Initié en 2011 par une quinzaine de graffeurs aux Vivres de l’art, résidence d’artistes aux Bassins-à-Flot dirigée par le sculpteur Jean François Buisson, cet événement est LE rendez-vous de l’art alternatif à sur la rive gauche de Bordeaux, avec le MUR et bien-sûr Darwin sur la rive droite. Depuis sa naissance, Transfert prend chaque année de l’ampleur, tant dans la durée, la réputation que le lieu, avec un très gros succès pour la 4ème édition dans l’ancien bâtiment des Vivres de la Marine (bâtiment du XVIII, où l’on fabriquait, conditionnait et stockait des denrées destinées aux équipages de la Marine Royale). Les artistes ont toute liberté de création et gageons que la surface, multipliée par 5, incitera nombre d’adeptes de Street Art de France et de Navarre à participer à « Tran5fert », l’édition 2015.
Les premières subventions de la mairie, d’un nouveau dispositif, ont été votées en Conseil Municipal avec 7 500 euros accordés pour l’association.
Rendez-vous le 27 juin !
C’est à partir du 27 juin que les artistes et graffeurs locaux (Peinture Fraîce, Les Frères Coulures, Club Mickey, 777 Army, Sismikazot…) et d’ailleurs (Farewell, Artof Popof, Obad…) viendront prendre d’assaut les murs de l’ex-commissariat. Land Art, sculpture, vidéo et performances feront aussi partie des festivités, en plein coeur de la ville !
0 commentaires