Gorka, la vingtaine, dort dans la rue depuis ses 14 ans. Inscrit en CAP Cuisine, il ne décroche pas son diplôme. Il suit une formation puis travaille, un peu. Sans attache familiale, il s’abrite désormais sous le palais des sports. Lorsqu’ une association de bénévoles s’approche pour lui proposer quelques vivres, il accepte bien volontiers :
« un café ? Je veux bien! Un paquet de clope, c’est possible ? ».
Une viennoiserie et quelques jus d’orange plus tard, il prend le temps de remercier chaleureusement les bénévoles de l’association In Peace Event, reconnaissables à leurs gilets noirs affublés d’un colibri sous forme d’origami. Ces derniers arpentent la chaussée bordelaise pour apporter un peu de réconfort à ceux que le destin a mené dans la rue.
In Peace Event, une association de la rive droite
Fondée il y a 3 ans, In Peace Event possède ses quartiers au 9 rue Pineau, sur la rive-droite de Bordeaux. Les locaux sont partagés entre l’association, un club de boxe et une mosquée. Prochainement, les trois entités en formeront une quatrième : « La maison du 9 ». Amine, trésorier de l’association et ingénieur travaux, explique que cette union cherchera à faciliter la communication entre les trois structures, entre lesquelles les liens sont déjà importants.
L’association se divise en quatre pôles :
- « éducation »
- « humanitaire »
- « événementiel »
- « sortie jeunes au stade »
Le pôle éducation organise une séance d’aide aux devoirs hebdomadaire chaque samedi matin, entre 10h et 12h. Une à deux fois par mois, l’association accompagne également des jeunes dans leur orientation professionnelle. La section événementielle monte des conférences, des projets ou encore des voyages. La prochaine étape est un relaxing trip en Dordogne de 4 jours, durant les prochaines vacances.
Amine : « c’est la seule activité sur laquelle on se permet une petite marge de bénéfice. C’est une sécurité pour financer d’autres actions et garantir notre autonomie financière ».
Une troisième branche emmène des enfants de moins de 16 ans au stade pour assister à des rencontres de football, de rugby, de hockey ou encore de basket, via des partenariats avec les différents clubs bordelais. Le pôle humanitaire organise des maraudes, les mercredis et samedis soirs. Les bénévoles sont entre 3 et 6 par session.
« Pas plus, pour ne pas intimider les personnes dans le besoin » explique Naïm.
Âgé de 21 ans, ce passionné de théâtre et surveillant dans un collège est chargé de récupérer, avec AlaEddine, étudiant en Master Automatique, les invendus dans l’une des boulangeries partenaires.
Des dons nombreux et variés
Après la boulangerie, les bénévoles rentrent au 9 rue Pineau pour trier les denrées reçues. La récolte est bonne, elle ne sera pas uniquement distribuée aux sans-abris bordelais. Toufik fera un crochet en voiture avant de rentrer chez lui pour déposer les baguettes de pain dans un camp de réfugiés sahraouis.
A l’aide d’un crownfunding, les bénévoles ont reçu des dons suffisamment nombreux pour acheter les équipements nécessaires à la survie en ces périodes de températures négatives. Ce soir, des sacs de couchage « spécial grand froid » seront distribués.
La maraude débute à 20 heures. Outre Naïm et AlaEddine, l’équipe compte également Amélie et Quentin, étudiants, Jihane, Docteure en Communication, et Dina. Le thermomètre affiche -4°.
Dina, sans gant, est consternée par le traitement réservé aux plus démunis :
« les gens font leur shopping et ignorent ceux qui sont dans le besoin. Je suis étudiante, je ne peux pas les aider financièrement.La maraude est donc un bon compromis ».
L’étudiante en Master 1 « Sécurité Globale » est interpellée par deux hommes, originaires d’Algérie. Ils sont à Bordeaux depuis deux semaines. Ils reçoivent des chaussettes, un duvet chacun ainsi que des viennoiseries. Ils poursuivent leurs routes, après une courte discussion, reconnaissants. L’échange humain est la plus grande rétribution de Dina :
« Dans la rue, les profils sont très différents. Il peut y avoir des étudiants comme des gens très bien habillés. On en croisera. Souvent, ça leur fait du bien de discuter un petit peu ».
Le pont de pierre passé, la tournée peut commencer. Non loin de Gorka, on trouve l’armoire à livres de « Neneuil ». Installée sous le palais des sports, celle-ci se remplit depuis des années au fil des dons de chacun.
Les rencontres s’enchaînent. Ici, une famille avec deux enfants en bas âge. Là, c’est un Tchèque d’un soixantaine d’année. Plus loin, un expert comptable, radié, reconverti en as de la débrouille :
« je récupère des palettes, je les retape et les revends. Dehors, il ne faut surtout pas se laisser aller. Les associations t’ouvrent des portes, mais ça reste à toi de te bouger. Surtout, ni alcool, ni clope. C’est le début de l’engrenage ».
Dina l’a dit, il n’y pas de profil type dans la rue. Christophe, rue Sainte Catherine, est du même avis.
« Marque Tof, les gens me reconnaîtront ».
Le commercial de formation s’estime aidé :
« On est pas des laissés pour compte. Le maître mot, c’est le partage ».
Il donne une feuille à rouler à son acolyte puis reprend sa route.
Lucas Rougerie / Lucas Rougerie /@lucasrougerie
Pour contacter l’association :
07 68 56 00 25 / [email protected] /
http://inpeaceevent.org
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