Tout commence avec René Char : “ Mettre en danger l’Héritage tout en ne négligeant pas de s’appuyer sur lui.“ L’auteur, Patrick Artoan est né à Prague d’un père ingénieur et d’une mère artiste. Concrétisant son rêve de raconter son histoire, 68, Amour Sable, publié par les éditions mrk, (nouvelles nées du quartier bordelais des Chartrons), a pour vocation de nous faire simplement voyager dans sa tête jusqu’à nous perdre dans ses idées.
68, amour sable, est un récit d’une autre époque, exprimant les ressentis d’un jeune homme en quête de conscience politique. Mai 1968, mai 2018, 50 années séparant deux combats qui, à terme, commencent à se ressembler. A l’heure du militantisme assumé, pouvons-nous comparer l’engagement d’un étudiant de 20 ans, en 1968 à celui d’un autre en 2018 ? Et bien essayons.
Amour sable, amour pluriel. De l’héraldique “noir“, le sable symbolise le noir du drapeau libertaire, du drapeau anarchiste.
La politique et le militantisme, de 68 à aujourd’hui
Symbole d’un esprit politique ouvert, l’auteur et protagoniste du récit se place en nourrisson de la pensée militante. Des communistes aux maoïstes en voyant défiler les trotskistes, ce sont les anarchistes, les libertaires qui l’intéressent. Sa soif d’avis divergents est comblée. Symbole non pas d’un militantisme syndical et contestataire, la réflexion qu’elle soit sociale ou philosophique est son moteur. Penser la société, penser sa condition, penser ce qui lui semble juste, ce qui lui semble bon tout en s’indignant de la contestation elle même.
En 2018, il n’existe plus vraiment de tendances radicales de gauche. Ce sont des tendances radicales tout simplement. Un jeune étudiant en droit ou en journalisme aurait-il le courage ou la volonté de s’immiscer dans chacun des partis dominants afin de les comprendre, de les comparer. Très peu probable. Peu de gens on fait la démarche de passer des ferveurs de la gauche populistes aux timides applaudissements de la droite conservatrice. Depuis quelques années, la rue n’est plus politique mais abandonnée de la jeunesse, non pas par désintérêt mais par résignation.
“ C’est à lui seul un mouvement insoumis“
Faisant preuve d’une ferveur quasi religieuse les défenseurs de la pensée libertaire de mai 68 se sont hissés au rang d’opposants idéologiques en dépit d’être opposant politique. Patrick Artoan, dans son histoire raconte en quoi, par la pensée, il a réussi à transcender son être jusqu’à son éducation même. Cependant, mai 68 reste pour le protagoniste un échec, les penseurs de gauche ayant failli à leur tâche. Il se résout ainsi à “devenir adulte“.
Signe d’une liberté auto-proclamée, certains changements sont en marche. La libération psychologique comme physique vient s’ancrer dans la remise en question du model sociétal dans sa globalité. L’amour, second thème essentiel de l’ouvrage ouvre les portes à un mouvement encore bien d’actualité de nos jours, la liberté sexuelle.
Un amour de chair, un amour en vers
Bea, Birgit ou encore Louise. Trois femmes symbolisant tout ce que l’on peut trouver en amour. Du premier amour avec Bea à la passion charnelle avec Birgit, tout est possible pour l’auteur à partir du moment où la pensée reste intacte.
Birgit est pour le protagoniste une rencontre assez improbable. Repérée dans un bar de quartier, un regard suffit à créer un lien entre les deux personnages. À son départ, il la suit afin de pouvoir concrétiser un premier contact. Une légère discussion et la suite se déroule dans la chambre de la jeune femme. De nos jours, une telle audace serait-elle condamnée au titre du harcèlement sexiste ou sexuel ? A tort ou à raison, à vous d’en juger.
Louise, quant à elle, symbolise l’élévation intellectuelle. Se détachant de toute convention, elle propose à ses trois amis, l’Ours, Jefe et le personnage principal, de passer le cap physique de l’amitié. Non pas en tant qu’objet de désir mais seulement dans le but de transcender leur relation déjà existante. La proposition pouvant être considérée comme ahurissante laisse entrevoir la réflexion d’un amour plus intellectuel que sensationnel.
De plus en plus de pratiques sont acceptées de nos jours mais le libertinage qu’il soit intellectuel ou non, reste dans l’ombre. Refusé par la société, 50 années ont passées et le seul constat réalisable c’est que les barrières tournant autour de la liberté sexuelle ne sont pas encore tombées. A l’air de Tinder, la définition même de la “rencontre“ est remise en question.
Une plume utilisée en pinceau
Peignant la société telle qu’il l’a ressentie en 1968, Patrick Artoan use d’un style sans failles, d’un stylo sans éclaboussures. Alliant musicalité des mots et envolées lyriques, c’est sans lourdeur que la complexité de son esprit arrive à prendre place sur le papier.
Il s’agit également d’un souffle de vie insufflé à des souvenirs, des souvenirs ayant atteint le demi siècle, ses descriptions invitent aujourd’hui au contraste. Le monde d’aujourd’hui a t-il évolué au cours de ces cinquante dernières années ? L’homme s’est-il libéré des contraintes et indignations qu’il combattait lors des émeutes de mai 68 ? Sommes nous aujourd’hui, jeunesses française, le symbole d’une passation militantisme inachevée ? Toute ces questions ont leur réponse dans 68, amour sable, lecture vivement conseillée.
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