Le jeudi 2 juillet 2020, à 18h30, sur le trottoir devant chez Rn7, un caviste situé rue Notre-Dame qui a l’audace de vendre des vins de la vallée du Rhône au pays du Bordeaux, était organisé, entre deux vagues de COVID, et donc en plein air, un événement pour le moins inattendu dans ce coin à l’ambiance très Marais parisien, du très bobo quartier des Chartrons. Vu que c’est le mien, j’ai le droit de le tamponner comme tel, comme ça, ça évitera à ceux qui adorent enfermer les choses et les gens dans des cases, de le faire.
Au programme, une rencontre dédicace organisée par Guillaume Fédou, « goal volant » fondateur, dans ses dernières œuvres, du nouveau média Bordophonia (que tu connais déjà, toi qui a la jugeote de me suivre), autour du livre de Patrick Scarzello : Camera Silens par Camera Silens, chez Le Castor Astral, un éditeur local que j’adore !
L’occasion pour les fidèles du groupe (poke Yves et Patou !), la plupart tout de noir vêtus et aux cheveux blanchis par les ans – pour les filles c’est plus facile de tricher et d’arborer une chevelure de la même couleur que dans les années 80, date de naissance d’un des derniers groupes de l’époque héroïque du Bordeaux Rock – de se retrouver, un verre à la main et ses souvenirs en bandoulière.
L’occasion pour moi de revenir sur une période de ma vie baignée de musique, de concerts et de décibels, où je côtoierai un temps Eric Ferrer, le bassiste du groupe Camera Silens, dont le nom fait référence aux cellules d’isolement utilisées pour l’incarcération des membres de la Fraction armée rouge.
Camera Silens, groupe de punk rock bordelais, dont le chanteur et bassiste, Gilles Bertin, après avoir participé au braquage de la Brink en 1988, fut condamné par contumace à dix ans de prison ferme, vécut dans la clandestinité au Portugal et en Espagne entre 1988 et 2016, puis revint en France pour se rendre à la justice qui le condamnera à cinq ans de prison avec sursis.
Une liberté dont il ne jouira pas longtemps, le , il décédait à Barcelone des suites du sida.
Pourquoi j’ai envie de parler de Camera Silens, un groupe que je n’écoutais pas, mais qui fait partie de mes souvenirs via tout un pan de l’histoire musicale bordelaise locale
Après être entrée dans la vie active, au tout début des années 80, par la case librairie, j’ai, de 1990 à 1998, travaillé dans le milieu des produits culturels que sont les disques, les livres et les vidéos.
Le DVD n’existait pas encore, la K7 audio était morte et le vinyle, supplanté par le CD, était une niche pour les passionnés, les fétichistes et les DJ, autant de précisions pour que vous situiez l’époque. Je connaitrai même le LaserDisc, c’est vous dire ! dont la vie fut plus qu’éphémère.
J’exercerai tout d’abord mon appétence pour la musique, les livres et le cinéma, chez HMV, une chaine dont le 1er magasin fut ouvert par la Gramophone Company à Oxford Street (Londres) en 1921.
HMV comme His Master’s Voice ou La Voix de son Maître, représentée par la peinture du peintre Francis Barraud mettant en scène son Jack Russel terrier, Nipper, l’oreille tendue vers le son issu d’un gramophone.
Une image qui devait devenir un des logos les plus célèbres de l’histoire de la publicité, se simplifiant au fil des décennies.
His Master’s Voice étant devenu un label de musique britannique appartenant au groupe EMI et un détaillant de disques dont je participerai à l’implantation à Bordeaux, du 1er et dernier magasin en France qui ne restera ouvert qu’une année…
Une année allant de l’automne 1990 à juin 1991 qui, alors que la FNAC était déjà bien installée, connaitrait dans le même temps, l’arrivée du géant créé par Richard Branson : Virgin.
Du coup, avec les magasins FNAC, VIRGIN megastore et HMV répartis dans un triangle entre St Christoly, la rue Sainte Catherine et la place Gambetta, Bordeaux était devenue la ville où on venait de la France entière pour acheter des disques.
La guerre des prix (et la valse des étiquettes à décoller et à recoller) faisant rage, visiter les différentes enseignes pour économiser 1 franc, était devenue l’activité préférée de beaucoup…
RIP HMV, hello la FNAC, dans un Bordeaux pas du tout endormi question musique
Et puis ce sera la FNAC, acronyme de Fédération nationale d’achats des cadres, ex-« agitatrice culturelle » où je passerai sept années, au rayon vidéo dont je finirai responsable, avant de filer ma démission. Rachetée par François Pinault, l’enseigne assujettie aux actionnaires et aux fonds de pension, n’avait plus grand chose à voir avec la vision de ses fondateurs Max Théret et André Essel.
C’est là que mon chemin croisera celui d’Eric Ferrer, qui travaillait au rayon technique, quand je faisais partie du département disque.
Tout ça pour dire, qu’entre 1980 et 1998, j’aurai vécu en direct live une belle immersion dans l‘éco-système musical rugissant qui secouait la belle-endormie.
Le livre de Patrick Scarzello, le plus dandy des auteurs, musiciens et chroniqueurs rock à la dégaine de Nick Cave (photos à l’appui), s’est fait le relais des souvenirs, des lieux et des émotions de toute une époque incarnée par Camera Silens, dans ce qu’elle avait de plus punk, oï et rock alternatif sur fond de défonce, de pogos et de dérives.
25 nuances de doc – Punk : Il était une fois Gilles Bertin
« Punk : Il était une fois Gilles Bertin« ..
« Si la vie de Gilles Bertin est spectaculaire au point d’en faire un personnage aux dimensions d’un film de fiction, il est aussi une parabole de tout un chacun qui fait des erreurs de jeunesse au nom d’une idéologie puis, considérant les cadeaux inattendus de la vie, l’abandonne et se fraye un chemin entre résilience et rédemption pour se libérer de son passé et vivre sa liberté d’homme.
Car au fond qu’est- ce que ça veut dire réussir sa vie ? Une Rolex à quarante ans ? Une belle carrière ? Un compte en banque bien rempli ? Des enfants ? Parcourir le monde ? Sauver des vies ? Ou plus modestement faire du bien autour de soi ? Gilles Bertin n’est pas un héros ni un homme dont les succès sont remarquables. Il n’a pas non plus réalisé ses rêves d’enfant mais, à mon sens, il a réussi sa vie. Plus exactement, son parcours de vie est exemplaire car dans son cas, «ce qui ne tue pas rend plus… sage, humble et optimiste». Cela semble être le prix et la condition de sa survie ».
Un bon complément au livre que tu peux acheter en 1 clic directement chez l’éditeur, largement présent dans la boutique de mes coups de coeur.
Camera Silens par Camera Silens –
Patrick Scarzello – éd. Le castor astral music – 14€
-5% avec le code promo : serialblogueuse5
Camera Silens, une génération perdue.,
Le témoignage d’un passé à la narration nostalgique et quelque peu espiègle dans cette chronique en forme d’inventaire culturel et professionnel qui contribuera grandement par cette expérience à la création du futur site Serial Blogueuse d’isabelle.
Dans cet hommage à Camera Silens et Gilles Bertin c’est celui d’une génération perdue dans la tourmente de la scène Punk-Rock Française et Européenne. Metal Urbain, Oberkampf, Les Beruriers noirs, Camera Silens témoignent de par leurs oeuvres d’une société en mutation perçue comme violente, oppressive et injuste par la génération post Fraction Armée Rouge.
Camera Silens s’effacera comme tant d’autres de cette génération, le vide sera vite comblé par le mouvement Gothique mais ceci est une autre histoire.
En mémoire de Gilles Bertin, à Yves et Patou
Je ne dirai qu’une chose Riton : Woaow !!!!
Très sympa le parallèle entre ce contexte musical et ton parcours pro, Isa !
Merci Thomas ! C’est fou comme la sortie de ce livre et cette dédicace m’ont fait voyager dans le temps ! Bises et à très vite pour parler Punk au féminin ! 😉
Bonjour
Merci pour ce bel article est ce petit rappel pour un des groupes qui a cette époque était très nonbreux et que j ai vu bien sur en concert mention spéciale à Éric Simon