Cette nuit du lundi 1er mars, la statue de Jacques Chaban Delmas située place Pey Berland à Bordeaux s’est transformée en Jacqueline. Vêtue d’une robe violette, joues rosées et talon au pied, son regard se fixe vers une banderole «Ensemble le 8 mars» – Une oeuvre mettant fin à une série d’actions de désobéissance civile non-violente signée «des militantes» appelant à une mobilisation massive le lundi suivant pour la journée de lutte pour les droits des femmes – *et de l’égalité des genres.
Ce qui précède et ce qui suit, est le communiqué de presse que j’ai reçu et que je vous livre tel quel. J’ai laissé en plan tout ce que j’étais en train de faire afin de vous livrer l’info optimisée en mode SEO, le tout en mixant ma to do list charrette et l’importance de la cause défendue par cette action féministe qui a toute sa place dans ma rubrique Ovaires the rainbow.
Quand Jacques devient Jacqueline pour sensibiliser aux violences (physiques ou symboliques) faites aux femmes
8h. Place Pey Berland. Lundi matin. Les militant.e.s reviennent observer discrètement leur œuvre nocturne. Les tramways s’agitent, les vélos se croisent, les passant.e.s sont interpellé.e.s par ce qu’iels voient au centre de la place. Quelque-chose a changé. Jacques n’est plus. Jacques est devenu Jacqueline. Jacqueline porte une longue robe violette, de longues boucles d’oreilles, un talon au pied, des joues rosées, du rouge à lèvre, des ongles colorés. Jacqueline saigne.
Du sang coule de son entre-jambe. Sur la plaque au sol on peut lire «Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toutes façons je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas.» de Virginie Despentes, choisi pour dénoncer les injonctions et stéréotypes que subissent les femmes au quotidien.
Ce n’est pas tout. Jacqueline regarde vers une banderole, préalablement fixée dans son champ de vision, «Ensemble le 8 mars». Le message est clair. Des passant.e.s prennent une photo à la volée, certains visages esquissent des sourires, les remarques fusent. Pour elles, leur mission est parfaitement réussie.
Un mois de désobéissance
«Nous sommes des agitatrices, des lançeuses d’alerte, des banksy du militantisme, des délinquantes même, si vous voulez, mais sachez que nous sommes juste là pour (r)éveiller » scande l’une d’elle. Les militant.e.s n’en sont pas a leur premier coup d’essai. Elles ont commencé leur série d’action le 8 février, à un mois pile du 8 mars.
Il y a trois semaines, les habitant.es ont pu être interpellé.es par des messages écoféministes sur les murs de la ville, afin de se réapproprier la rue et lier les combats féministe et écologique. Puis, Bordeaux s’est vu ensanglanté à coup de jets rougeâtres ses panneaux publicitaires et certaines devantures, pour dénoncer le publisexisme – le sexisme dans la publicité – , et la fête commerciale de la Saint Valentin, jour de l’action.
Issu.es de différents collectifs comme Extinction Rébellion Bordeaux, ANV COP-21 Gironde, Collages Féministes Bordeaux ou simplement déterminé.es, leur série se nomme Dites la vérité, et s’organise en mixité choisie afin de permettre l’inclusion et l’exclusivité des femmes, des trans et des non-binaires.
Du risque pour la cause
Concernant leur pratique illégale, elles confient avoir «évidemment conscience de s’attaquer de manière éphémère au patrimoine public» défendant néanmoins leur acte «Rien est dégradant, la robe a été faite sur-mesure en tissu, les boucles d’oreilles sont collées à la pattafix, le sang est du faux-sang maison qui s’en va à l’eau, même les ongles sont des gomettes, et surtout, entre nous, quel est le plus dégradant, une statue redécorée le temps d’une nuit ou les ravages que causent la condition de la femme oppressée par le patriarcat depuis la nuit des temps ?» Quant au choix de la statue, il s’est fait de manière aléatoire. «Que ce soit Jacques Chaban-Delmas, Montaigne ou Montesquieu, peu nous importait, nous voulions travestir une figure masculine au coeur du centre-ville, Jacques, place Pey Berland s’y prêtait parfaitement», par cet acte elles mettent en exergue la communauté LGBTQIA+, encore peu reconnu dans le système — comme le sang pour celui des règles, «encore trop tabou de nos jours».
Le nom de Jacqueline pour cette nouvelle femme, lui «nous paraissait bien pour aller au bout des choses, après coup, nous avons fait un lien avec l’affaire Jacqueline Sauvage»
Les actes dans le collimateur
«Pour que l’égalité des femmes, et l’égalité des genres soit une priorité, vue sur la même ligne que l’écologie, car l’un n’ira pas sans l’autre.» stipulaient-elles dans leur premier communiqué de presse.
Au sein de leur ville, iels gardent «un oeil attentif» sur le programme et l’équipe de Pierre Hurmic, qui peuvent avoir la capacité de «stopper la publicité sexiste dans l’espace public, subventionner et soutenir davantage le travail des associations féministes, démultiplier les logements d’urgence, prévenir l’harcèlement de rue, les violences conjugales, lutter contre la précarité menstruelle» ou encore «développer une plus grande pédagogie du genre en milieu scolaire».
À l’heure où les derniers évènements bordelais, à savoir le 12ème féminicide et l’affaire Benoit Simian sonnent une fois de plus l’alarme féministe, elles vous appellent à les retrouver et à continuer de lutter le lundi 8 mars à 14h place Stalingrad. Dernier jour d’action, mais véritable dernière action ? La journée n’est pas finie.
Crédit photographies Ken Wongyoukhong : https://we.tl/t-e3r63oze9t
Traces du Jour J
#Journeeinternationaledesdroitsdesfemmes ! C’est partiiiii ! Et en plus il fait gavé beau !!!!!
Mon vélo d’une main ✋…
Publiée par Isabelle Camus sur Lundi 8 mars 2021
Chronique au féminin le temps d’une réflexion,
J’ai toujours été fasciné par la dévotion, l’exaltation, la ferveur dont font preuve les hommes envers les femmes touchant au sublime comme Sainte Marie, Blanche de Castille, Jeanne d’Arc ou Mère Teresa comme ci leur inaccessibilité les rendait plus pure, mais qu’en est il de Marie Curie, Louise Michel, Vera Rubin, Camille Claudel et bien d’autres, des noms de passage dans les livres d’histoire que l’on referme après les cours. Leur génie, leur engagement dérangent et contreviennent à la bonne marche d’une société idéale pour la femme au foyer.
Il règne dans l’esprit de l’homme beaucoup de confusion entre l’envie irrépressible de dominer la femme et cet amour inextinguible pour sa mère… et pourtant quand l’homme se sent mourir cette ambivalence disparait, ses yeux s’accrochent à une dernière image celle de sa mère, une femme ; le sel de la vie.
Belle analyse Éric ! Merci !