Alors que de nombreux investisseurs étrangers et de grands industriels français tentent de racheter des vignobles à grand coût, Terra Hominis, société créée en 2011, use du financement participatif pour sauver ce patrimoine culturel. Le fonctionnement est pour le moins original dans le monde agricole : permettre à des jeunes vignerons·nes, en difficulté financière, d’acquérir leurs propres vignes, grâce à un financement participatif réunissant des actionnaires, tous passionnés de vin… et de rugby.
Terra Hominis, sauveur des vignerons indépendants
3000 ! C’est le nombre d’associés que Terra Hominis (Homme de la Terre en latin) compte depuis sa création en 2011.
C’est grâce à eux, que la société souhaite redonner fière allure à certains vignobles en perdition.
Acquérir des propriétés viticoles est devenu aujourd’hui tout un marathon.
Entre les milliers d’euros que les vignerons doivent mettre sur la table et le casse-tête juridique, Terra Hominis, qui est devenue une société à « mission » suite à la loi Pacte de mai 2019, semble avoir trouvé la solution.
En effet, comme l’explique Ludovic Aventin, son créateur :
« L’objectif est que le budget des vignes soit divisé en plusieurs parts d’un montant moyen de 1.600 euros. Chaque projet réunit une centaine d’investisseurs qui sont rémunérés à hauteur de 4,5 % par part, payés en bouteilles produites sur le domaine.”
C’est donc un marché gagnant-gagnant.
Pour cet ancien caviste de Rouen, l’idée lui est venue d’un constat personnel. Alors qu’il souhaitait acheter un domaine viticole, il s’est vite heurté à la dure réalité du marché financier.
Pourtant, Ludovic Aventin était persuadé qu’à plusieurs, son rêve avait des chances d’aboutir. Et il n’avait pas tort !
Après l’aide de 120 associés, chaque propriétaire possédant une part du vignoble à hauteur de 1300 euros, est né le premier projet de financement participatif porté par Terra Hominis.
Il s’agit du Mas Angel, sur les hauteurs du vignoble de Faugères au nord de Bézier. Mais plus de 10 ans plus tard, et 180 hectares de vignes répartis en plusieurs vignobles, Ludovic Aventin ne compte pas s’arrêter là. Sa prochaine étape, aller à la rescousse du vin de Bordeaux.
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“J’ai l’impression qu’on n’est pas fiers de notre Bordeaux !”
Considéré longtemps comme le meilleur vin de France, voire au-delà de l’Hexagone, le Bordeaux subit depuis quelques années de vives critiques assez diverses.
Entre la pollution de sa fabrication ou le prix élevé de certains vignobles, les consommateurs, amateurs et professionnels semblent bouder les crus bordelais. Le Bordeaux bashing en est devenu presque un cliché !
Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le baromètre 2022 SOWINE, pour les Français la région viticole qui arrive systématiquement en tête c’est le Bordeaux.
En effet, le Bordeaux est à 48% le vin préféré des connaisseurs et des experts (contre 48% pour le Bourgogne et 38 % pour le champagne) tandis qu’il est le préféré pour les amateurs éclairés à 48 % et 40 % pour les néophytes.
Un constat qui a le malheur de titiller Ludovic Aventin : “J’ai l’impression qu’on n’est pas fiers de notre Bordeaux !”. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que le créateur de Terra Hominis tente de mettre l’accent sur le développement de certains vignobles de la région bordelaise.
En onze ans, Terra Hominis a réuni plusieurs passionnés de vin pour financer l’achat de domaines en Occitanie, dans la Loire, à Cognac mais aussi dans le Bordelais.
En effet, sur les 42 projets réalisés à ce jour par la société, 5 projets ont vu le jour sur Bordeaux avec des vignerons :
“ À Bordeaux ça se développe facilement, car les français aiment le Bordeaux !”
Outre cette lutte contre le Bordeaux Bashing, Terra Hominis est une structure beaucoup plus engagée. Elle vise à favoriser l’insertion de nouveaux jeunes vignerons, tout en apportant son aide à ceux qui se trouvent en difficulté.
Terra Hominis à la rescousse des vignerons menacés
Pour beaucoup de jeunes vignerons, le son de cloche est le même :
“Sans l’aide apportée par Terra Hominis on n’aurait pas pu s’installer.” L’objectif pour la société créée par Ludovic Aventin était donc de mettre en place une structure ayant “pour mission de permettre au vigneron de s’agrandir ou de s’installer”.
L’exemple parfait est celui des Goirand. Chez eux, le vin est une histoire de famille.
Dans son vignoble familial situé dans le Médoc, Grégory Goirand est la quatrième génération de viticulteurs.
Au château Saint-Grégoire, pour lui et sa femme, Ingrid Gancel, l’aventure commence vraiment en 1999 lorsqu’ils démarrent avec 1 hectare 80 de vignes, avant d’atteindre une vingtaine d’hectares en 2009.
Vignoble certifié Haute Valeur Environnementale 3 (HVE) depuis 2019, leur aventure a pourtant failli s’arrêter là. En effet, frappé comme l’ensemble du monde agricole par le Covid, la banque leur a sommé de rembourser l’encours bancaire accordé à la création de leur domaine.
Pour Grégory c’était la douche froide. Une passion générationnelle sur le point de se terminer. Mais Ludovic Aventin et Terra Hominis l’ont aidé à remonter la pente :
“Nous étions pratiquement au dépôt de bilan, et c’est là que nous avons rencontré Terra Hominis”. Presque deux ans plus tard, ce sont 235 associés qui ont pris part à deux projets du vignoble, permettant au Château Saint-Grégoire de “monter haut en gamme”, comme le confie Grégory Goirand.
Sur un terroir très prisé par les investisseurs étrangers, Terra Hominis a pu porter son secours à un cru artisan du médoc. En effet, depuis le rebond apporté par la société, le château Saint-Grégoire peut maintenant songer, paisiblement, à la relève en transmettant le vignoble à leur fille.
“Notre mission c’est d’installer de nouveaux jeunes vignerons”
Pour d’autres vignerons, Terra Hominis est le petit coup de pouce à l’appel de nouveaux projets.
Chez David Arnaud, vigneron installé à Teuillac, à mi-chemin entre Blaye et Bourg, sur la rive droite de la Dordogne, cultiver des vignes, c’est dans son ADN depuis des générations.
En effet, né dans une famille de vignerons depuis le 20ème siècle, David Arnaud voulait marcher sur les pas de ses ainés.
Et pour ça, il souhaitait agrandir son vignoble afin de pérenniser son modèle économique.
En 2015, accompagné de l’aide de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) et du projet Terra Hominis, le jeune vigneron est passé de 20 à 30 hectares.
Premier viticulteur bordelais à faire appel au financement participatif de Terra Hominis, pour autant le choix ne s’est pas fait sans hésitation :
“ Au début, j’étais très réticent, car je viens d’une famille d’agriculteurs où la logique veut que l’homme travaille les terres pour ensuite les exploiter”.
Une décision qu’il n’a pas eu à regretter :
“ Lorsqu’on rentre dans le projet Terra Hominis on ne se rend pas compte de ce qu’il va nous arriver. On se retrouve avec 200 personnes qui sont derrière nous. Aujourd’hui, un associé on lui paye un fermage en bouteilles, et je ne vous cache pas qu’ils ne s’arrêtent pas aux 6 bouteilles que je lui donne… Certains en prennent 300 ! D’autres en parlent aux copains, aux cavistes. C’est vraiment un réseau qui se met en place. C’est donnant-donnant. Il y’a ce côté social très important.”
D’un point de vue financier, les associés sont une aide indéniable :
“Sur une exploitation comme la mienne, cela ne représente pas loin de 25 mille euros de chiffre d’affaires généré par les associés directs sur une année.”
Ainsi, cette opération coûteuse fut soulagée par le soutien moral des associés et l’aide financière de la société, raconte Ludovic Aventin :
“Notre but, c’est d’installer de nouveaux jeunes vignerons. Et, on le voit de plus en plus, les jeunes vignerons ne peuvent plus s’installer par manque d’argent. L’objectif de Terra Hominis, c’est aussi de remédier à ce phénomène”
Une aide à la reconversion
Pour celui qui a récupéré le domaine familial en 2009, c’était également une opportunité pour se consacrer à de nouveaux projets afin de faire évoluer son domaine vers de nouvelles pratiques.
En effet, en parallèle de son agrandissement de vignoble, David Arnaud a franchi le pas pour une reconversion en bio.
Toutefois, le millésime 2018, qui marque la première année de conversion, n’aurait pas été rendu possible sans l’aide de Terra Hominis, comme l’explique le vigneron :
“ Passer en bio c’est un salarié, un tracteur, et des outils en plus. Donc c’est quelque chose qui se chiffre, au final, à 50/60 mille euros en plus par an pour mon exploitation sur un chiffre d’affaires qui avoisine les 400 mille euros.”
Un risque financier qu’il ne regrette, pas mais qu’il ne se serait pas permis s’il n’avait pas eu “l’aide, d’abord, de la SAFER et ensuite, de Terra Hominis.”
Bien accompagné par Terra Hominis, il songe même à s’agrandir encore plus :
“Aujourd’hui j’ai l’envie mais j’ai aussi des doutes et des peurs sur l’évolution de la nature, du climat. Ces dernières années ont été très éprouvantes pour nos vignerons, entre le gel, la grêle, les maladies, les taxes Trump ou encore la guerre en Irak… Mon père me dit que j’ai connu en 10 ans beaucoup de crises que lui en 40 ans.”
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Chez Terra Hominis, le vin c’est un sport d’équipe
Terra Hominis, en dehors de son côté financement, c’est avant tout une grande bande de potes !
Autour de l’idée de pérenniser et d’assurer la transmission des vignobles, un élément permet la conjonction des différents mondes : la fête !
En effet, comme aime le rappeler Ludovic Aventin, c’est avant tout une structure “conviviale”.
Certes, comme toute société, Terra Hominis a des obligations juridiques, économiques ou encore administratives, mais le temps fort de l’année reste les moments de retrouvailles autour d’un bon verre de vin.
A ce sujet, les vignerons et les associés organisent régulièrement des fêtes pour permettre à chacun de se rencontrer et d’échanger sur le développement de leur vignoble.
Le prochain évènement festif prévu est celui de Bézier, le 3 juillet 2022. Au programme : balade gourmande, dégustation de vins de nos vignobles Terra Hominis, musique mais aussi rugby !
Le rugby, eh oui ! Car chez Terra Hominis les liens sont soudés grâce à la passion pour l’ovalie. Et des joueurs de rugby il n’en manque pas.
Après François Trinh-Duc ou encore Louis Picamoles, en tant qu’associés sur certains vignobles, c’est Rémi Lamerat qui a rejoint l’aventure.
Mais, contrairement à ses camarades, le centre de l’Union Bordeaux-Bègles, franchit le pas et ouvre son propre domaine.
En effet, il vient d’acquérir un domaine familial situé dans l’Entre-Deux-Mer sur la commune d’Yvrac. Il s’agit du château Grand Jour.
Rémi Lamerat souhaite se consacrer, avec sa famille, au re-dynamisme de cette propriété familiale laissée à l’abandon depuis quelques années.
L’ancien joueur du XV de France, diplômé d’un BTS en œnologie il y’a 3 ans, a toujours eu cette idée de reconversion dans un coin de sa tête :
“Pourquoi le vin ? Tout simplement, parce que c’est ma passion numéro 1”.
Ce domaine est composé d’environ 11 hectares de vignes et 5 hectares de terres, dont une partie sera implantée dans le projet Terra Hominis que le joueur de 32 ans monte avec Ludovic Aventin.
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le champion de France, avec Castres et Clermont, aborde son nouveau métier avec beaucoup d’humilité :
“Je vais essayer de gagner ma légitimité de vigneron en dehors de mon image acquise de par mon statut de sportif de haut niveau.”
Et pour ce faire, Rémi Lamerat a déjà adapté ce vignoble à son image :
”Il y’aura un peu de changement à la propriété, car on va remplacer l’appellation château en domaine. On a acheté la marque Grand Jour, mais qui n’en n’est pas vraiment pas une. Cela correspond un peu plus à notre philosophie de travail et d’atmosphère qu’on aimerait créer.”
Rémi Lamerat et sa femme ont également l’objectif de passer en bio !
Pour Ludovic Aventin, l’entraide entre les associés, qui jouent ce rôle d’ambassadeur du vignoble, et ces jeunes vignerons est la clef du projet de Terra Hominis.
Il estime qu’aujourd’hui être vigneron, c’est :
“un sport individuel, mais nous avons l’objectif d’en faire un sport collectif. On sait que le monde agricole c’est dur, avec chaque jour un agriculteur qui se suicide en France. Donc on essaye de faire les choses à plusieurs car on est plus fort”.
Avant de continuer avec le sourire :
”C’est pour ça que lorsqu’on monte un projet, on travaille surtout sur l’humain, sur la personne qu’on a en face. Par exemple, la première fois que j’ai rencontré Rémy on est allé boire des coups ensemble, et ça s’est fait comme ça” (rires).
J’ai adoré l’article et encore plus le sujet ! Je trouve que c’est une superbe idée.
Je comprends que certains soient réticents à tout ce qui est action, etc… mais Terra Hominis prouve qu’il y a de vrais actionnaires engagés et volontaires pour faire partie d’une aventure qui les passionne !
Merci beaucoup Juliette pour ton retour !
En effet, le concept de Terra Hominis donne, en quelque sorte, encore espoir dans ce fabuleux métier passion de vigneron !
Et comme tu le dis, cette aventure ne fonctionne que grâce à la volonté, l’enthousiasme et la passion de tous les acteurs de ces projets !
Le moment est venu pour François Trinh-Duc, Louis Picamoles et Rémi Lamerat de raccrocher les crampons. La terre de rugby se souviendra de votre nom et de l’empreinte que vous y laissez. Une nouvelle aventure, un nouveau défi, un nouveau combat vous attend celui de la reconversion et quoi de plus emblématique que celui du deuxième centre de l’UBB Rémi Lamerat.
L’international de rugby se donne les moyens de sa deuxième passion la viticulture grâce à ce magnifique concept qu’est Terra Hominis, une sorte de coopérative humaniste, une manière différente de cultiver le sang de la terre qui est le vin.
Terra Hominis c’est l’espoir dans l’avenir pour nombre de viticulteurs et la défense ancestrale et régionale du vignoble de Bordeaux, un vin qui a tant Oeuvré pour le prestige de notre région tout au long des siècles.
Et comme le dit Juliette quoi de plus beau que de voir des actionnaires engagés pour une vraie cause quand l’actionnariat est symbole de profits.
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Je n’aurais pas dit mieux Eric ! Terra Hominis a, en effet, su associé deux mondes qui partagent bon nombre de points communs : le rugby et le vin !
Et c’est sans aucun doute pour cette raison que Terra Hominis réunit autant d’actionnaires engagés ! La convivialité et l’esprit d’équipe y règnent !
Aujourd’hui c’est Rémi Lamerat, mais je ne serai pas étonné de voir un autre rugbyman rejoindre l’équipe.