Fabrice GAND est médiateur et animateur en communication non violente. Pour aller plus loin dans sa volonté de réfléchir sur notre justice et la faire évoluer, il a réalisé un documentaire intitulé : À ÉGALITÉ, une justice en chemin.
Un « foot trip » tourné en septembre 2019 durant lequel des étudiant.e.s de Sciences Po Bordeaux, des détenus, des surveillants, un juge, des médiateurs et une CPIP (Conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation) ont randonné en Dordogne sous l’œil d’une caméra et le micro d’un preneur de son.
Le but ? Faire se rencontrer des univers opposés pour mieux apprendre les uns des autres autour de la question du milieu carcéral et de son corollaire, la punition.
Une réflexion qui n’élimine aucunement la sanction, mais penche pour évoluer vers la réparation afin d’identifier et d’exprimer les souffrances subies par chacun, favoriser la compréhension mutuelle de ce qui s’est passé (pourquoi ?) et rechercher ensemble des solutions disponibles pour y remédier (comment ?).
À ÉGALITÉ, un documentaire pour mieux nous faire réfléchir sur notre justice
Depuis Adam et Eve, on identifie 5 formes de justice réparties comme suit :
- La barbarie ou la loi du plus fort qui favorise la cruauté et la destruction en toute inhumanité.
- La loi du talion symbolisée par la formule : oeil pour oeil, dent pour dent.
- La justice punitive, théorie de la punition selon laquelle lorsqu’un délinquant enfreint la loi, la justice exige qu’il souffre en retour et que la réponse à un crime soit proportionnelle à l’infraction (la justice appliquée par notre société occidentale).
- La justice rétributive qui considère qu’une réparation financière est suffisante pour pacifier le conflit (la nôtre aussi).
- La justice restaurative ou pratique complémentaire au traitement pénal de l’infraction qui consiste à faire dialoguer victimes et auteurs d’infractions (qu’il s’agisse des parties concernées par la même affaire ou non). Les mesures prises, selon des modalités diverses, visant toutes à rétablir le lien social et à prévenir au mieux la récidive (la plus évoluée et la plus porteuse d’évolution que notre société gagnerait à développer).
Bien réinsérer pour désengorger et éviter les récidives
Car emprisonner des hommes et des femmes dans un contexte où, comme l’indique le journal Le Monde dans son article du 27/11/2022, « le nombre de détenus en France atteint un niveau historique » demanderait de réfléchir à des mesures autres que celles de les entasser derrière des barreaux. En effet, au 1er novembre, « on recensait 72 809 personnes incarcérées dans les prisons françaises, pour 60 698 places opérationnelles, ce qui correspond à une densité carcérale de 120 %« .
« Une tendance à la suroccupation des prisons, un mal structurel qui – toujours d’après Le Monde – a valu à la France en janvier 2020 une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme, et va à rebours de celle enregistrée dans les pays voisins, où le taux d’incarcération a baissé ces dix dernières années – de 12,9 % en Allemagne, et de 17,4 % aux Pays-Bas ».
Or, comme me l’indiquait Fabrice :
Sur les 72 000 détenus en France, auxquels il faut rajouter plus de 140 000 peines de semi-liberté, seulement 5% sont des homicides, des viols ou des actes de terrorisme. Tout le reste, c’est de la petite ou de la moyenne délinquance.
Pour cet ancien musicien de musique baroque qui a fait le conservatoire de Paris et qui, après plusieurs années d’intermittence avec son hautbois, s’est reconverti, se pose la question non seulement de savoir ce qui freine notre accomplissement ensemble, mais aussi celle de notre responsabilité collective et de la nécessité d’apprendre les uns des autres.
Notre mode de fonctionnement, c’est je te fais souffrir et tu vas comprendre la vie ! Or, comme avec les enfants, on n’apprend rien avec la honte. Toutes les études le démontrent.
À ÉGALITÉ encourage les formes de justices qui permettent de donner, ou de redonner une place à chacun dans la société, quel que soit son parcours plus ou moins cabossé.
La caméra de Fabrice a suivi ce groupe hétéroclite qui au fur et à mesure des kilomètres a appris à se découvrir.
Entre les personnes sorties de prison pour l’occasion, ayant souvent perdu toute confiance dans les institutions, les étudiants en sciences politiques aspirant à devenir acteurs de ces mêmes institutions, les agents pénitentiaires, les Juges et les médiateurs des liens se sont tissés et des prises de conscience ont émergé.
Le film À ÉGALITÉ voyage…
La première diffusion du documentaire a eu lieu à Bordeaux en juin.
Aujourd’hui, Fabrice travaille à le projeter aussi bien auprès du grand public qu’auprès des futurs directeurs de prison ou des futurs surveillants dont l’équation à résoudre est : sécurité et insertion.
Son objectif ? Rassembler des représentants de toutes les compétences ( spécialistes, citoyens, pro du terrain) pour faire évoluer ce système judiciaire, non plus seulement vers la punition, mais en y intégrant aussi la réparation.
C’est ce qu’il a voulu concrétiser avec Abdel, Daniel, Tony et Zoran, dont nous ne saurons pas ce qu’ils ont fait, mais qui, après plusieurs années en centre de détention, sont en fin de peine.
Bertrand et Didier, les surveillants qui ont accepté de vivre cette expérience.
Jean-Luc, formateur CNV (communication non violente) et Nadège, conseillère pénitentiaire d’insertion et probation.
Les étudiants Nathan, Vianey, Marin, Gustave, Lux et Aurore, la seule fille du groupe, devenue depuis journaliste et qui en reste positivement marquée :
On a tous été changés. Avec mes camarades, on s’est revus en juin après 2 ans et on était toujours aussi liés. Il faudrait que tout le monde fasse une rando avec des détenus. Souvent issus de milieux pauvres, ça fait apprécier ce que tu as.
Pour conclure, je préciserai que la musique du documentaire est signée Romain Humeau, le chanteur du groupe Eiffel et que pour voir le documentaire sur Vimeo c’est par ici ➦ https://vimeo.com/ondemand/egalite1
Un article attendu et je ne suis pas déçu comme toujours chez Jugeote
Justice, peine carcérale, remise de peine et puis la liberté. La justice ! sujet qui fait débat, un sujet clivant dans une société qui tant toujours plus vers le tout répressif. La première des réparations est la peine effectuée pour les victimes puis vient la réintégration pour une nouvelle vie. Mais ce foot trip intitulé : À ÉGALITÉ, une justice en chemin que j’ai regardé avec plaisir est un petit bijoux qui nous conte les émotions, les pensées, l’espoir des acteurs du monde carcéral
Fabrice Gand nous donne une grande leçon d’humanisme à travers ses convictions et ce foot trip est une expérience qui devrait être renouvelée. Je crois qu’une des grandes urgences est la réhabilitation voire la construction de nouveaux centres pénitenciers qui donnerait une vie un peu plus digne à nos concitoyens condamnés et faciliterait leurs réinsertions
Tasse de culture,
Le wergeld ( justice ) : indemnité que l’auteur d’un crime (ou ses proches) devait payer aux proches de la victime pour se soustraire à leur vengeance. Une loi des Francs qui évitait des vengeances finissant dans des bains de sang. Le wergeld était proportionnel aux délits