Pessac, 25 février 2025. Le campus de l’Université Bordeaux Montaigne est méconnaissable. Habituellement animé par un flot d’étudiants allant d’un amphithéâtre à l’autre, il est aujourd’hui déserté par ses cours mais investi par une mobilisation déterminée avec un blocage impressionnant. Depuis le 20 février, les entrées des bâtiments sont obstruées par des chaises, des tables, des barrières métalliques et des banderoles dénonçant « la sélection sociale » et « l’austérité imposée aux facs ».
Une fac verrouillée, une détermination intacte
Il est 9h, l’air est froid, mais les étudiants bloquants sont bien réveillés. À l’entrée principale, une dizaine d’entre eux surveillent les lieux, café en main. Une pancarte « Université fermée, résistance ouverte » est accrochée sur un grillage. Juste à côté, un petit groupe discute des actions à venir.
« On bloque parce qu’on n’a plus le choix », lance Léo, étudiant en philosophie. « La sélection à l’université, c’est une attaque contre le droit à l’éducation. Si on ne se mobilise pas maintenant, on acceptera que seuls les plus favorisés puissent faire des études longues. »
Derrière lui, une banderole rouge et noire proclame « Fac ouverte à toutes et tous ! Stop à l’élitisme ». D’autres affiches dénoncent aussi l’extrême droite, alors que plusieurs mouvements étudiants nationaux alertent sur une montée des discours conservateurs dans l’enseignement supérieur. Un débat s’installe autour des réformes universitaires récentes, notamment la réforme des masters qui imposerait une sélection plus stricte pour accéder à certaines formations.
Le rôle des associations étudiantes dans le mouvement
Plusieurs associations étudiantes sont à la tête de la mobilisation, organisant les assemblées générales, assurant la communication et relayant les revendications. Parmi elles, l’Union des Étudiants de Bordeaux Montaigne joue un rôle clé en structurant les débats et en proposant des solutions face à la précarité croissante des étudiants.
« On ne bloque pas par plaisir, mais par nécessité », explique Emma, membre d’une association étudiante. « L’université manque de moyens, les frais de vie augmentent, et en parallèle, on nous impose une sélection toujours plus forte. Si on ne se fait pas entendre maintenant, quand le fera-t-on ? »
Un campus figé, des cours suspendus
D’ordinaire, les allées bordées de platanes sont traversées par des centaines d’étudiants se rendant aux cours de langues, de journalisme ou d’histoire. Mais aujourd’hui, seuls quelques curieux viennent observer la mobilisation. Les bâtiments sont fermés sur décision administrative, les cours en présentiel annulés.
« On s’adapte comme on peut », confie Amandine, étudiante en Information-Communication. « Certains profs veulent nous faire travailler à distance, mais c’est vraiment la galère. »
À quelques mètres, un enseignant observe la scène, bras croisés. Il ne veut pas être cité mais admet être partagé : « Je comprends la colère des étudiants, et en tant qu’enseignant, je subis aussi le manque de moyens. Mais le blocage de la fac, est-ce vraiment la solution ? » Certains enseignants soutiennent néanmoins le mouvement et participent aux assemblées générales organisées par les étudiants pour discuter des actions futures.
Des assemblées générales pour décider de la suite
Tous les jours, des assemblées générales sont organisées sur le campus pour décider de la poursuite ou non du blocage. Elles sont annoncées sur le compte @ag_montaigne. Ces réunions rassemblent étudiants, enseignants et personnels de l’université pour débattre des actions à venir.
« Nous voulons un mouvement démocratique et représentatif », explique Jules, un des organisateurs. « Chaque vote est pris en compte, et les étudiants ont la parole pour exprimer leur avis sur la poursuite du blocage. »
Ces discussions permettent également de définir les revendications prioritaires et de planifier d’éventuelles manifestations ou rencontres avec l’administration pour négocier des avancées concrètes.
Une mobilisation qui s’ancre dans un contexte national
Le blocage de Bordeaux Montaigne s’inscrit dans un mouvement plus large. Depuis plusieurs semaines, des rassemblements ont eu lieu dans différentes universités pour dénoncer la précarité étudiante, le manque de financements et les réformes jugées discriminantes. À Paris, Lyon et Toulouse, d’autres actions ont été menées dans la même dynamique. Des manifestations ont été organisées, rassemblant étudiants et personnels universitaires pour exiger des moyens accrus pour l’enseignement supérieur.
La mobilisation ne se limite pas aux revendications locales : elle s’inscrit dans une critique plus large du sous-financement des universités françaises et du manque de solutions pour les étudiants en difficulté. De nombreux étudiants dénoncent aussi le coût de la vie qui pèse de plus en plus lourdement sur eux, notamment en raison de l’inflation qui affecte les loyers et les dépenses courantes.
Pour le moment, aucune issue ne semble se dessiner. L’administration a annoncé que la fermeture se poursuivrait jusqu’au 28 février, mais les étudiants mobilisés assurent qu’ils ne comptent pas en rester là. Plusieurs réunions sont prévues avec des représentants universitaires et syndicaux pour tenter de trouver un compromis.
En quittant le campus, je continue d’entendre les slogans qui prouvent que la lutte est loin d’être terminée. Les étudiants prévoient de nouvelles actions, y compris une manifestation interuniversitaire qui pourrait rassembler plusieurs campus dans les jours à venir.
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