Assistant d’éducation au lycée Trégey de Bordeaux, Anthony Nabli consacre la plupart de son temps libre à l’écriture, « une addiction ». Après des années passées à rédiger pour son plaisir personnel, il vient de publier son premier ouvrage. Rencontre avec un passionné.
Les ressorts de la vocation d’Anthony Nabli
Anthony est en classe de quatrième quand il prend la plume pour ne plus jamais la lâcher. Ecrire est une discipline à l’entrainement indispensable, alors Anthony prend le temps de travailler son verbe et avance pas à pas :
« au début, j’écrivais la suite d’histoires appréciées. Progressivement, j’en suis venu à écrire mes propres histoires. Pendant longtemps, ce n’était que pour mon plaisir personnel ».
Si, pour le journaliste et écrivain français Jean Chalon : « écrire, c’est se montrer », la gloire est aux antipodes des rétributions attendues par Anthony lorsqu’il prend la plume. Pendant longtemps, il garde chacune des lignes qu’il rédige pour lui. Jusqu’au déclic provoqué par la lecture de « Lune de miel », de Franck Thilliez :
« il a un style direct. Ses bouquins regorgent de lyrisme, d’aspects scientifiques mais aussi fantasques. C’est un cocktail qui m’impression énormément, avec des personnages très forts, très marqués. C’est une référence. A partir de là, je me suis dit que je voulais écrire pour de vrai ».
La version originelle de « Somnophrénie », son premier roman au titre créé pour unir schizophrénie et somnambulisme, voit le jour au début des années étudiantes d’Anthony. Pour faire naître son récit, le néo bordelais fait de la recherche documentaire sa priorité, pour approcher au plus près des réalités empiriques :
« ce que je raconte peut impacter certains lecteurs. Je voulais être le plus réaliste possible. J’ai eu un gros travail de préparation et d’approche. Je me suis attaché à traiter les conséquences des maladies évoquées au niveau du cercle direct, des proches ».
Du désir d’être publié
Le roman achevé, Anthony aspire à le voir publié. Le début d’une longue histoire ! Déjà, par manque de satisfaction, il laisse son épreuve de côté :
« j’ai laissé mon manuscrit durant pas mal d’années, par manque de maturité. Je n’étais pas convaincu, je trouvais que mon récit manquait de crédibilité ».
Une rencontre le replonge dans l’écriture et relance une motivation en berne :
« après un temps, je me suis dit qu’il méritait d’être partagé. Je l’ai remanié, puis j’ai commencé à l’ envoyer à plusieurs maisons d’éditions ».
Anthony le reconnait, il y a une part de naïveté chez un auteur en quête d’une première publication :
« au début des envois je suis plein d’entrain, je vise haut et contacte les maisons les plus visibles. Celles que je vois en librairie, à la Fnac. Je me rapproche également des maisons d’éditions que je lis ».
Les premiers retours de maison d’éditions, tous négatifs, sont riches d’enseignements sur des usages qu’Anthony découvre. Il y a les maisons d’éditions qui, manifestement, prennent le temps de lire le manuscrit lorsqu’il reçoit « une belle lettre avec des détails sur l’intrigue » et il y a celles « qui placent mon nom dans une case blanche ». Anthony revoit sa stratégie et se tourne vers des structures plus confidentielles, moins parisiennes. Le jeune auteur isole très vite une dichotomie de publications grâce aux réponses reçues. Autrement dit, il découvre les affres de l’édition à compte d’auteur, opposée à l’édition à compte d’éditeur.
Edition payante et réécriture
La principale différence entre ces deux procédés éditoriaux réside dans la participation financière demandée à l’auteur :
« un jour, je reçois une réponse positive, seulement trois jours après l’envoi de mon manuscrit. Je lis la lettre, une mention m’interpelle. On me demande une participation de 3000 €. Malgré tout, j’en parle à tout le monde. Je me rends rapidement compte que c’est une maison d’édition à compte d’auteur. Elle n’a pas pu lire mon manuscrit en détail en 72 heures ».
Malgré la déception, Anthony consent à procéder à de nouveaux envois. « A mes yeux, l’édition relève de la chance ». Une nouvelle maison l’appelle. Elle est à compte d’éditeur. Le manuscrit plait. Somnophrénie va être publié. « Bingo ».
La réponse positive d’une maison d’édition marque, en réalité, le début d’un mont de travail herculéen. Il faut consentir à réécrire un récit qu’on pensait ficelé. Pour Anthony, admettre les failles de son travail se fait d’ailleurs non sans mal :
« je reçois une réponse positive, mais on me fait comprendre qu’il y a des failles, des éléments perfectibles. Je m’y attelle, mais à reculons : c’est mon bébé, je ne veux pas y toucher! Ensuite, à la lecture des éléments de la maison d’édition, je rejoins leur point de vue et comprends mes faiblesses ».
Un travail d’échange entre la maison d’édition et l’auteur se met alors en place. A force de conversations avec son éditrice, le processus d’édition commence à prendre forme, Anthony Nabli le visualise et le conceptualise de plus en plus. Le succès appelant le succès, les choses s’enchaînent, positivement. D’autres maisons contactent le jeune auteur :
« la première réponse positive a eu un effet boule de neige, d’autres structures m’ont contacté. Mais je ne voyais pas l’intérêt de quitter la première maison, les éditions Castalie, avec qui je me suis rapidement senti en confiance ».
Comme regarder son enfant dans le bus du premier voyage de classe
Il reste une dernière étape avant de voir son travail réifiée sous format papier. Une fois l’épreuve satisfaisante, l’auteur en devenir procède à l’examen du « bon à tirer », le fameux BAT :
« le bon à tirer m’est envoyé. C’est un dernier droit de regard. Il faut indiquer les éventuelles dernières modifications, avant de les renvoyer. Une fois que le « bon à tirer » est renvoyé à la maison d’édition, mon récit ne m’appartient plus. C’est la fin ».
C’est le moment où on regarde son enfant partir dans le bus du premier voyage scolaire. La rédaction est terminée. Entre le tout premier envoi de manuscrit en recommandé et la réception de l’objet fini, trois ans se seront écoulés.
« Je suis devenu le VRP de mon thriller »
« Somnophrénie » est disponible depuis le début du mois de mars. Anthony Nabli est devenu « le vendeur de son propre ouvrage ». Ce qui demande quelques concessions ! De nos jours, l’usage frénétique des réseaux sociaux et d’internet entre bien souvent en contradiction avec la lecture et l’écriture, loisirs aux temporalités plus lentes. Anthony est loin d’être un adepte des plateformes sociales. Il se contraint à s’y inscrire, pour faire connaître son récit :
« pour tout vous dire, je n’avais aucun compte sur les réseaux sociaux avant cette aventure. Il a fallu que je m’y mette. Je suis devenu le VRP de mon thriller ».
De leur côté, les éditions Castalie ont lancé un plan de communication.
« Pour l’instant, je touche du bois. Les retours sont positifs. Je n’ai pas le sentiment d’avoir incité les gens à acheter, partager ou lire un récit en contradiction avec leurs goûts ».
Chaque année, des milliers de manuscrits sont envoyés aux maisons d’éditions. Pour un ratio de publication plus que confidentiel. Longanime, Anthony Nabli est publié sans avoir dépensé un centime. Il se dit soulagé, sans pour autant ressentir une fierté exagérée :
« je suis content de ne pas avoir fait tout ça pour rien. Il y a de la satisfaction chez mes proches. Ils sont très fiers. De mon coté, je ne suis pas spécialement fier, je ne suis pas en train de me dire « waouh, j’ai sorti un thriller ». Bon, j’ai quand même poussé un « cri de kiff » quand j’ai appris l’impression ».
« Bingo » ou pas, il travaille déjà sur son deuxième projet.
Lucas Rougerie / Twitter: lucasrougerie
Résumé « Somnophrénie », Anthony Nabli (Editions Castalie)
Wilfried Gray, jeune professeur d’Histoire-Géographie, est victime de violentes crises de somnambulisme de plus en plus dévastatrices. Mais qui aurait pu imaginer ce que dissimulent ses symptômes ? Sur l’île de B, les deux cents habitants sont retrouvés morts, enduits de cire et comme en représentation. Isaac Karzim, inspecteur de police, génial mais schizophrène, va être chargé de l’enquête. Que va-t-il trouver dans cet enfer glacé le confrontant à ses pires démons ? L’un plongera dans la folie, l’autre cherchera à en sortir. Un destin croisé dans une atmosphère lourde de secrets insoutenables.
Chouette parcours !
Bonjour, j’adore Anthony Nabli. Stephen King peut partir tranquille, la relève est là ! Vivement le deuxième livre. J’espère avoir une dédicace très bientôt…Et pion, quel métier ! Ce jeune garçon a vraiment du courage….
Merci Augustina pour vos encouragements.