Nightmare Alley ou la ronde infernale de Guillermo Del Toro

par | 8 Fév 2022 | À la Une, Tasse de thé culturelle | 3 commentaires

Contenu mis à jour le 30 janvier 2023

Je ne sais pas vous, mais moi j’attends toujours avec gourmandise l’arrivée d’un film de Guillermo Del Toro. Alors certes La Forme de l’eau, son précédent opus, m’avait un peu laissé sur ma faim malgré sa pluie d’Oscars. Mais le savoir-faire du bonhomme depuis Le Labyrinthe de Pan présage toujours de belles promesses. Nightmare Alley a presque réussi à mon sens son pari.
J’expliquerai plus loin ce « presque ».

Commençons par ce qui m’a plu. D’abord Guillermo Del Toro a atteint suffisamment de poids dans la galaxie cinématographique pour attirer à lui un casting multi étoilé, qui déjà sur le papier peut assurer une grande qualité au film.

Certains font déjà partie du manège enchanté de Guillermo, je pense notamment à Ron Perlman depuis HellBoy ou Richard Jenkins. Mais aujourd’hui pour notre (mon) grand plaisir, on peut rajouter Bradley Cooper, Cate Blanchett, Toni Colette, Willem Dafoe, et Rooney Mara.

Nightmare Alley guillermo del Toro

Guillermo del Toro Nightmare Alley

Avec une liste pareille, on a l’assurance d’un haut niveau de jeu, porté par des personnalités avec qui on part enthousiaste dans ce cauchemar.
Oui car ne l’oublions pas, et comme le titre anglais l’indique, le film est le récit d’un cauchemar.

Tout commence au début des années 30, où la crise financière a fait rage, et certaines âmes un peu perdues cherchent leur pitance coûte que coûte. Il s’agit là du point de départ. Bradley Cooper y incarne un paumé sans un sou, qui trouvera refuge dans une fête foraine dans laquelle il gravira les échelons en utilisant les trucs et astuces et autre « pouvoir » divinatoire de ce qu’on appellerait aujourd’hui un « mentaliste ».

Ces nouveaux talents de manipulateur nouvellement acquis l’amèneront contre rétribution à devoir accomplir l’impossible pour un milliardaire acariâtre et redoutable.

Un voyage intemporel 

 

Ici le voyage intemporel tient dans ce plaisir que Del Toro nous offre à nous balader dans l’univers réinventé des années 30. Si on connaît la filmographie de Del Toro, on sait qu’il attache une grande importance à la direction artistique de ses films. À savoir qu’il met un grand soin à constituer des décors très cinégéniques. Et Nighmare Alley en est particulièrement bien pourvu.

Nightmare Alley Guillermo del Toro 4

De la fête foraine au cabinet de la psychologue incarnée par Cate Blanchett, tout respire la minutie et aussi un budget conséquent pour construire les décors. Guillermo Del Toro joue beaucoup sur l’ambiance de ses films pour transporter le spectateur, moi le premier. Et sur ce coup-là, on est vraiment servi sans jamais se lasser.

Cherchez la référence 

Nightmare Alley 6

De même, on prendra plaisir à trouver les références qui font l’univers de Del Toro. Je n’ai pas vu à ce jour d’interview de sa part où il en parle. Pour autant, lorsqu’on regarde le décorum et la panoplie des personnages secondaires de la fête foraine forcément, je pense aux Raisins de la Colère, Freaks, Indiana Jones (Le costume chapeau mou, pantalon docker de Bradley Cooper est carrément un copié/collé de mon héros préféré, manque plus que le fouet).

Le cabinet du Doctor Lilith Ritter (Cate Blanchett) transpire sur chaque centimètre carré le Bauhaus, l’art déco, le néo classique marbré de noir.

Enfin la demeure du milliardaire Ezra Grindle (Richard Jenkins) me rappelle tout de suite Xanadu, Citizen Kane du grand Orson Welles. Et je ne parle pas des clairs-obscurs, des costumes qui nous ramènent aux films noirs, la Dame De Shanghai (Welles toujours) et son jeu de faux-semblant. Enfin les ambiances mystérieuses, les personnages manipulateurs, énigmatiques me rappellent les films d’Erich Von Stroheim.

Le piège de Dante


Bradley Cooper est donc embarqué dans « une allée du cauchemar », acceptant pour faire fortune, d’emprunter un chemin de dupe. Le titre espagnol, « El Callejon de las Almas Perdidas », serait plus proche du récit, puisque cette « allée des âmes perdues » parle de ces cœurs brisés, ces esprits poussés à bout au point de commettre l’irréparable, et qui prennent ainsi le chemin d’un cercle infernal.

 

Nightmare Alley Guillermo del Toro 3

Cependant, et c’est là le plus gros bémol du film à mon sens, Del Toro s’est autorisé une séquence, une séance où Bradley Cooper se fait tirer les cartes de Tarot qui résume quasiment tout le reste du film, en révélant presque la fin.

Pour moi cette séquence est une grossière erreur scénaristique qui ne laisse aucun doute sur la suite des événements au point où l’on va comprendre assez vite où va mener ce cercle dantesque dans lequel s’est embringué le personnage.

C’est terrible. Le film se spoile presque lui-même !

Ne jamais faire subir à son personnage une séance de tarot ! C’est un piège de scénario qui en voulant poser du mystère et de la tension, coupe en même temps les pattes du suspens.

À partir de là, les événements s’enchaînent sans véritable surprise, puisque l’issue est annoncée au premier tiers du film ! Alors que faire ? Et bien reste malgré tout le plaisir, comme expliqué plus haut, de se laisser embarquer dans cet univers « Del Toronien » maléfique et jouissif.

Vivement le prochain !

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3 Commentaires

  1. Eric Simon

    Et bien Frédéric Bruguet c’est AlloCiné avec la poésie en plus car cet article cinématographique est mené tambour battant avec talent qui donne envie de voir ce nouveau Guillermo Del Toro.

    J’adore Guillermo Del Toro. Ces films se distinguent par son ‘esthétisme particulier, un coté vielle époque accentuée par un art photographique assuré. Frédéric est un peu sévère sur la forme de l’eau, ce film est un merveilleux conte et ses oscars en récompense tout le charme.

    Nighmare Alley ! un film a voir selon les avis éclairés de cet article et malgré une grossière erreur scénaristique mis en évidence ici. Merci donc pour cette chronique passionnante.

    Réponse
    • Isabelle Camus

      Et une Cate Blanchet très justement récompensée lors de la 47 ème cérémonie des Césars pour l’ensemble de sa riche carrière, également à l’affiche de Don’t look up, que Frédéric a également chroniqué pour Jugeote. Galadriel powa ! 😉

      Réponse
  2. Eric Simon

    Tout à fait Isabelle; d’ailleurs j’ai laissé un avis sur le l’article de Frédéric concernant ce super film qu’est Don’t look up

    Réponse

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