En ce week-end gris et pluvieux, j’ai successivement regardé la 5ème saison de « Peaky Blinders » louée chez Yoyo Vidéo, mon fournisseur de DVD préféré pour qui je fais de la résistance à Netflix.
Et lu « Enfants de la déconstruction – Portrait d’une jeunesse en rupture« , un ouvrage signé Jérémie Cornet & Paul Melun.
Une série et un essai que j’ai avalés tout rond. Nourrissant ainsi mon cerveau à la fois d’addiction (rahhh, il va falloir attendre 2021 pour connaître la suite des aventures de la tribu Shelby !) et de réflexion.
C’est de cette dernière dont je vais vous faire part. Évoquant de concert le fruit de ma lecture et de mon interview, quelques semaines plus tôt, avec Paul Melun, un des deux auteurs de ce portrait critique sur une jeunesse dont ils font eux-même partie.
Comment le CP des Enfants de la déconstruction m’a convaincue d’en parler
Quand j’ai reçu le communiqué de presse du livre sorti le 18 octobre, il a fait son office (ce qui est balèze dans l’océan de mails que je reçois tous les jours), captant immédiatement mon attention.
En voici la teneur :
Vous trouverez ci-joint le communiqué de presse annonçant la sortie du livre de Paul Melun et Jérémie Cornet. Anciens élèves de Sciences Po Bordeaux, ces deux Girondins vivent désormais à Paris et ont souhaité parler de la jeunesse dans cet essai sans filtre que le communiqué détaille plus avant.
Au fil des pages ils évoquent Bordeaux, la Charente et affirment leur attachement aux territoires comme une solution pour les défis de la jeunesse au XXIème siècle.
Là, déjà, sans savoir que quelques jours plus tard je diffuserais un article faisant écho à cette notion essentielle de territoires, j’étais titillée. Du coup j’ai continué.
Contenu pour en savoir plus, du
Intéressée par le sujet en tant que média, mais aussi concernée en tant que mère de 3 enfants de la déconstruction
Bordeaux, Sciences-Po, territoires, jeunesse, nouveaux maux, confort mondialisé, insatiabilité, changement climatique, planète, fin de l’humanité, issue, espoirs, remèdes… un mix de mots qui m’ont donné envie d’en savoir plus dans un planning qui devrait m’inciter à cesser d’avoir les yeux plus gros que le temps, mais on ne se refait pas.
Et puis j’ai vu les photos des auteurs, qui ressemblent d’avantage, sans vouloir faire preuve de délit de belles gueules, à des gravures de mode (ce qui n’est pas faux, puisque Paul, celui qui pourrait figurer dans une pub pour shampoing à la camomille, a été top model pour payer ses études) qu’à des alter mondialistes.
Et puis j’ai lu leurs parcours où l’engagement politique le dispute à des carrières parisiennes, qui dans le conseil en stratégie au sein d’une société multinationale pour l’un, qui dans le privé pour l’autre. Et là, je me suis dit, en matière de décalage, on est quand même pas mal. Ça m’intéresse ! Je n’ai pas baptisé ma nouvelle émission sur You Tube, « Tous Genres Confondus » pour rien !
Deux enfants de leur temps, porte-voix des 15/30 ans
C’est ainsi que, de fil en aiguille et d’échanges de mails en appels téléphoniques, le 25 octobre, je rencontrais Paul Melun de passage à Bordeaux. La ville où, 25 ans plus tôt, il naissait d’une mère orthoptiste et d’un père agriculteur bio (et oui !).
Un début d’existence où de 9 ans à 20 ans il séchera parfois les cours pour ramasser les courgettes avec son père sur son exploitation à Noaillan, tout près de Langon. Sachant que le logement familial, situé dans le quartier de la gare Saint Jean, impliquait de faire la route tous les jours en camionnette, outil indispensable pour se rendre sur les marchés et approvisionner les AMAP, premiers pas de l’engagement de Paul.
Une démarche alternative que Bruno Melun continue, puisqu’installé aujourd’hui en Aveyron, entouré de ses poules, de son potager et de ses chèvres, il vit à fond l’expérience de la sobriété heureuse dans sa maison éco réhabilitée.
Pour continuer plus avant dans les biographies, c’est durant ses études secondaires que Paul découvre l’engagement politique, en prenant la tête de la contestation de la réforme des retraites de 2010 dans son lycée.
Admis à Sciences Po Bordeaux, il concrétise ses désirs d’engagement en prenant la présidence de l’UNEF, syndicat étudiant. Durant ces années, il se rapproche de la politique en conseillant plusieurs élus. Diplômé de Sciences Po, Paul rejoint l’ESSEC (grande école de commerce) afin d’y compléter sa formation et d’engager une carrière dans le secteur privé.
Désormais Consultant en stratégie à KPMG (leader de l’audit, du conseil et de l’expertise comptable) il est en parallèle membre du bureau du club D12 (un club de débat sur les thématiques géopolitiques, sociales ou politiques) à Paris.
Quant à Jérémie (26 ans), né dans une famille d’artistes, il a grandi à Paris dans une institution catholique. Il suivra une éducation secondaire à Angoulême, en Charente, et sera interne au Lycée du Futuroscope.
Après une classe préparatoire littéraire au Lycée Clémenceau de Nantes il rejoint Sciences Po Bordeaux pour se spécialiser en Affaires Publiques. Enfin, il termine ses études au programme Grande École de l’ESSEC avec une spécialisation en Big Data.
Féru de technologie, il est employé chez IBM en Conseil en Stratégie Blockchain et Intelligence Artificielle. Il a aussi été membre et président de plusieurs associations et fondateur d’une entreprise sur le marché de l’art.
Voili, voilà ! Le décor est planté pour rentrer dans le vif du sujet d’un livre en 10 chapitres, dont les auteurs, caution de la méritocratie républicaine, précisent bien :
« Les enfants de la déconstruction ne sont pas la totalité d’une génération, ils sont une tendance, un mouvement, une influence sur la jeunesse occidentale. »
Après l’Homme révolté de Camus, l’Homme dépassé du capitalisme
Déconstruction comme fin des grandes idéologies et naissance d’une génération face à l’apogée d’un capitalisme libéral insécurisant, tel est ce que sous-tend le titre. Mais alors, comment la jeunesse d’aujourd’hui peut-elle relever les défis majeurs du siècle ?
Au cours d’un état des lieux critique, entre pessimisme et espoir, c’est dans un texte pour le coup hyper construit, bourré de références culturelles littéraires, philosophiques, historiques, scientifiques, sociologiques et cinématographiques, dans un style qui fleure bon son bac + 8, que Jérémie et Paul ont entrepris de répondre à cette question. Car les défis, même si l’histoire de l’humanité en regorge, sont nombreux, inédits et complexes :
De la déshumanisation d’un monde dirigé par les algorithmes à l’émergence inéluctable de la robotisation et de la réalité virtuelle, les auteurs analysent les mutations de la jeunesse occidentale.
C’est ainsi qu’ils s’interrogent sur sa relation aux anciens et à la mort, abordent les questions de la religion, du rapport à la croyance, la notion d’identité et la place réservée à la jeunesse dans une société où la compétition exacerbée amène à un individualisme effréné. Ils abordent le thème de la surconsommation, de la vacuité abyssales des relations humaines, ainsi que l’apparition de tensions sociales qui ne manqueront pas de surgir violemment dans notre pays.
Aussi Jérémie et Paul en matière de progression, définissent-ils trois étapes-clés de la vie des enfants de la déconstruction : Me faire, m’aimer, me battre.
Du malaise à l’espoir
Puis devant une situation générale pour le moins anxiogène, alors qu’on serait tenté de se dire, à quoi bon ! prônent avec espoir trois remèdes pour procéder à la reconstruction : la Terre, la Culture, et les Sciences. Le tout suivi d’une postface induite par l’actualité des gilets jaunes qui parfait l’analyse pétrie d’intelligence, et pas seulement intellectuelle, du duo.
Difficile d’extraire un passage, tellement tous les thèmes abordés sont essentiels. Après moultes hésitations, et même si choisir c’est exclure, j’ai opté pour un sujet pour moi fondamental, celui de la virilité et de la féminité, deux polarités dont nous sommes tous composés :
La virilité doit se construire avec un pan entier de l’humanité : la femme. Par le passé, l’homme devait se faire chevalier et la femme l’attendre transie de peur, l’homme devait porter la puissance sociale quand la femme s’épanouissait dans le confort du foyer. Certaines femmes, certains hommes peuvent décider d’une vie consacrée au foyer, à l’éducation des enfants, d’autres préfèreront la combat et la lutte sociale. La virilité doit absolument redevenir saine, se retirer de cette virilité vulgaire qui fait le terreau de tant d’idéologies nauséabondes, mais elle doit inclure. Elle ne sera véritable qu’en étant absolue. La virilité heureuse est une valeur universelle, sans obligation ni cloisonnement. Les atours de la féminité ne sont pas à bannir, ni chez l’homme ni chez la femme, ils sont partie intégrante d’une vie en paix et sont complémentaires de la virilité.
L’homme et la femme doivent, tous deux, explorer et connaître leur masculin et leur féminin pour permettre à l’humanité d’accoucher d’individus heureux et complets.
Allez, je ne vais pas spoiler plus avant. Merci pour cet essai à 4 mains à lire par TOUTES LES GÉNÉRATIONS, qui, dans sa vision panoramique pour comprendre notre temps et partager, entre doutes, craintes et nouvelles passions, vos espérances, fait autant réfléchir qu’il ouvre des portes.
Merci Paul et Jérémie, dont le rêve quand il avait 12 ans était d’être Président de la république et qui croit en l’homme providentiel (si ça se trouve, le prochain, ce sera une femme… clin d’oeil).
À plus tard, je l’espère, pour les Enfants de la reconstruction.
Photos Claire Dubois d’Enghien
Enfants de la déconstruction / portrait d’une jeunesse en rupture
Cornet-Vuckovic, Jérémie & Melun, Paul
– Marie B – 18€
Chère Isabelle Camus
Merci de cette appréciable mise en avant du livre de Paul et Jérémie, elle est à la fois chaleureuse, humaine et empreinte de sincérité.
Bien cordialement
Cyrill Vachon
Editions Marie B
Merci Cyril Vachon ! Touchée je suis. Votre retour évoque parfaitement tout ce que je souhaite insuffler à mes écrits. Vous ne pouviez pas mieux résumer. Je vous souhaite le succès que ce livre mérite et qui est bien parti pour y accéder !
Il m aura fallu un long temps de réflexion et plusieurs lectures pour commenter cet article que j ai eu du mal a maitriser par manque de connaissance sur les protagonistes de cet essai Paul Melun et Jérémie Cornet. La plume d Isabelle et le
communiqué de presse cité ci-dessus m aura donc été d un grand secours.
Il en résulte que tout cela nous donne envie de lire cet essai qui pourrait paraitre en décalage entre le milieux socioculturel des auteurs et la teneur de leur discours . Je pense avoir deviné leurs propos optimistes et les solutions apportées pour une jeunesse perdue dans un monde tourmenté. Cette phrase » l apogée d un capitalisme libéral insécurisant glace le sang »
La mise en exergue de cet ouvrage par sabelle est quoi qu il en soit un gage de bonne facture et je lui laisse le soin de corriger mes erreurs dans l approche de cet article.
Merci et bravo pour ton effort et ta réflexion Eric ! Le résultat en valait la peine et sois assuré que je n’ai rien à corriger.