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TU NE KLAXONNERAS POINT
Et ce, même si la voiture devant toi, à l’instar de la Ferrari de Vettel au départ d’un grand prix, ne démarre pas au millième de seconde dès que le feu passe au vert. Ou encore si un véhicule s’arrête et bloque la rue deux minutes pour, par exemple, déposer devant sa maison son échoppe bordelaise, mamie Quipique pour l’aider à poser ses courses dans l’entrée.
Et tant qu’on y est, profites-en aussi pour effacer de ton cerveau reptilien l’expression maintes fois employée en pareil cas, tel un réflexe « vocal » Pavlovien : « Vas-y mémère bouge ton cul avec ta bagnole, j’ai pas que ça à foutre » et remplace ce bref moment de poésie citadine par un gracieux, même si hypocrite :
« Mais prenez donc votre temps, Madame, je ne suis pas pressé ».
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LE TRAMWAY TU PRENDRAS
– Écoute cette histoire petit scarabée en provenance de la capitale. Il n’y a encore pas si longtemps, et ce afin de pouvoir circuler plus facilement dans Bordeaux, ses habitants avaient tous caché en eux, quelque chose de Tennessee…
– C’est à dire ?
– Un désir nommé tramway. Et un jour, ils l’eurent leur tramway nommé…
– Désir !
– Non. CITADIS. Et depuis une bonne dizaine d’années, ces beaux TGV ( Tchoutchou Girondin Viable) filent sur leurs bandes de tapis vert à travers ville et font maintenant partie intégrante du paysage. Saisis-tu la teneur de mon message petit scarabée ?
– Oh oui, grand maître Aquitain. Au revoir métro aux odeurs de pointe, et bonjour le tram ouaaaaais !
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TU NE DIRAS POINT…
Dans une boulangerie: « J’voudrais un pain au chocolat ! » mais « Bonjour, j’aimerais une chocolatine s’il vous plait ! »
En découvrant sur ton pare – brise le 3ème PV en 2 semaines : « Putaiiiiin, ça fais chier! » mais « Anquiiiiii, ça daille ! »
Dans les Chartrons : « J’ai croisé le maire à la halle» mais : « J’ai vu Alain à l’expo »
Coincé tout un week-end à la maison parce qu’il pleut des cordes : «Les gamins me cassent les burnes » mais « Mes drôles sont casse-berles».
Arrivé devant l’horodateur et découvrant le prix de l’heure de stationnement à Saint Emilion : « J’le crois pas ! » mais « Je suis bleu ! » (éventuellement rajouter le « Anquiiiii » précédemment appris)
Dans un magasin: « C’est possible d’avoir un sac plastique ? » mais « Vous auriez une poche s’il vous plait »
Un samedi ensoleillé : « On va se baigner au Cap Ferret !? » mais « On va à la baille au Féré !? »
Il y a bien d’autres expressions, mais là je dois vous laisser faut que j’aille au maille.
4
LE PARAPLUIE À PORTÉE DE MAIN TOUJOURS TU AURAS
Quand on habite une ville loin des côtes (au hasard, Paris) la notion de climat océanique vous est aussi familière que la notion de rangement de jouets pour un gamin de 3 ans ou celle du créneau réussi dès le 1er coup pour ma mère.
Mais débarquez dans une ville proche des côtes (au hasard, Bordeaux) et là vous comprenez enfin ce que l’alliance de ces deux mots « climat » et « océanique » implique: Hivers doux, étés chauds, jusque là c’est royal…mais aussi : précipitations fréquentes et environ 150 jours pluvieux par an et ça, on ne s’y attendait pas.
La preuve, dans nos bagages, ni bottes en caoutchouc, ni parapluie, ni Joséphine, la grenouille de mon fils que nous avons donnée à nos ex voisins de peur que le pauvre batracien ne dessèche sous le soleil de plomb Aquitain.
Alors qu’en fait Bordeaux pour une grenouille c’est comme Las Vegas pour un joueur ou comme un banana split pour un candidat de Koh Lanta après 2 mois de privations.
Bref, Bordeaux et la pluie sont amants, ils ne vivent pas ensemble mais se voient régulièrement d’où la nécessité de toujours avoir à portée de main l’objet symbole de Cherbourg : Le parapluie.
5
DES PRISES ANTI-MOUSTIQUE TU ACHÈTERAS
Comparer le moustique Francilien au Girondin reviendrait à opposer un avion de chasse à un zeppelin. Autant le premier nommé est petit et vif autant le second est gros, lent et donc beaucoup plus facilement explosable en plein vol d’un simple clap des deux mains.
D’autant plus explosable que contrairement à son homologue parisien qui est plutôt modeste et évite de se faire remarquer en plein jour, attendant l’obscurité pour sortir de sa cachette afin de nous pourrir la nuit, le moustique bordelais, lui, adore s’exposer aussi bien de jour que de nuit.
Un véritable acteur cabot. Dès qu’il entend « clap clap » il prend ça pour des applaudissements et ne peut s’empêcher d’apparaître pour faire son intéressant. Et plus tu tapes dans les mains, plus t’en exploses, plus il en arrive de partout. Au début, c’est rigolo ; quel plaisir de transformer en bouillie ces petits emmerdeurs zzzzzzzzzélés.
Puis, après t’être bien éclaté en les éclatants, tu fatigues et prends la seule décision qui s’impose : Contribuer à faire la fortune des familles Raid et autres Baygon.
6
LE VÉLO TU UTILISERAS
D’abord parce que les pistes cyclables à Bordeaux, c’est comme les pellicules sur la veste de mon banquier ou les clichés littéraires dans la collection Harlequin, y’en a de partout. Ensuite parce que l’espérance de vie d’un cycliste bordelais est nettement supérieure à celle d’un parisien.
Alors si, après des années de pratique « vélocipédique » en plein Paname, tu as survécu à cette jungle urbaine peuplée de fauves automobiles; de couloirs de bus meurtrier; de pistes cyclables recyclées en aire de livraison = circuler en vélo dans Bordeaux va te paraître aussi cool que prendre une pina colada allongé dans ton hamac, face à la barrière de corail en écoutant « Dark side of the moon » (Ah, c’est cliché ?… euh c’est pas moi, c’est la collection Harlequin qui m’a soufflé !).
Et au cas où tu ne le saurais pas, Bordeaux, la « bike friendly », a été élue 4ème ville cyclable au monde.
Oui môôôssieur ! Ici la « petite reine » est roi.
7
AUX GRANDS APPARTEMENTS TU T’HABITUERAS
– Dis papa, qu’est ce qu’il veut dire Einstein par « tout est relatif »?
– (Le père pose son journal de Mickey) Et ben euh…pourquoi tu demandes pas à ta mère ?
– Partie faire une course en vélo. Aloooors ? Pourquoi?
– Eh ben…tiens par exemple : notre nouvel appartement, nous on le trouve très spacieux, et ben nos voisins bordelais le trouve « de taille normale ». C’est juste une question de point de vue, de référence. C’est pour ça qu’on dit que : tout est relatif.
– Mauvais exemple papa. Pour notre appart c’est pas relatif, c’est objectif : il est immense.
– Faut reconnaître qu’on a vécu dans plus petit. Déjà ici, va falloir s’habituer aux talkies walkies pour communiquer entre les chambres et la cuisine.
– Et puis à pas se perdre quand on joue à cache à cache. La dernière fois maman et toi avez mis 2 jours pour me retrouver. Heureusement que dans le cellier y’avait des vivres.
– J’me demande même si faudrait pas installer des panneaux indicateurs. L’autre nuit j’me suis perdu en revenant des toilettes, impossible de retrouver ma chambre
– Profite en pour mettre un tabouret entre le 2ème salon et le patio. Le matin ça va, mais le soir ça fait vachement long comme trajet, moi je suis crevée j’ai besoin de faire une pause.
– Tiens y’a ta mère qui revient. ..T’étais partie où en vélo ?
– A la cuisine. J’avais oublié la moutarde. Au fait chéri, tu te rappelles que demain les ouvriers viennent poser l’échafaudage pour changer les ampoules du lustre.
– C’est vrai qu’il est pas seulement grand cet appart, il a aussi une sacrée hauteur sous plafond.
8
DES WEEK- ENDS À LA MER TU PROFITERAS
Bien que Paris soit l’une des plus belles villes du monde, sinon la plus belle (je ne dis pas ça par ce que j’y suis né), il n’en demeure pas moins qu’il lui manquera toujours une chose essentielle à mes yeux mais aussi, et surtout, à ceux des poissons : La MER !
En tant que Parisien, tu dois attendre les vacances scolaire, et encore, si tes finances le permettent (à 1500 euros par mois le 50m2 t’as intérêt à être blindé ou très économe) si tu veux profiter des étendues de sable et d’eau salée. Tandis qu’en tant que bordelais, tu peux aller faire bronzette quand tu veux ; un peu d’essence et hop, vous voilà face à l’océan.
Ta femme allongée et crèmée solaire, tes gamins embobés et en pleine élaboration de fortification sablonneuse, et toi, assis sur ta serviette et ne pouvant t’empêcher de faire tienne la chanson de Coutin : « j’aime regarder les filles qui marchent sur la plage, les hanches qui balancent et les sourires fugaces … »
…euh, oui oui chérie, je surveille les gosses…je disais donc ne pouvant t’empêcher de faire tienne la chanson de Trenet « la mer, qu’on voit danser le long des golfs clairs…». Dernière chose : t’es au courant des courants ? Les baïnes ? Fais vraiment gaffe, mais à part ça, t’inquiète pas, tutto va bene comme on dit sur les bords de l’Adriatique. Sans compter qu’à la fin du week end, vous ne ressemblerez plus à une famille d’aspirine égarée au milieu d’un tube de vitamines C.
9
LES MAGASINS FERMÉS ENTRE 13H ET 15H TU ACCEPTERAS
– Quoi!? On peut pas acheter un tee- shirt à 13h14 ? Essayer une paire de chaussures à 14h13 ? Mais c’est quoi ce bordel? Alors si j’ai env….
– Excuse-moi de t’interrompre, mais déjà faut que tu saches qu’ici on appelle pas ça « bordel » mais « pause – déjeuner ». Oui je sais, au début ça fait bizarre de voir des gens qui prennent le temps de manger le midi, mais tu verras on s’y fait très bien. Imagine : il est 13h10, t’es en train de discuter tranquille assis autour d’une assiette…
– Quoi !? Le midi, vous vous asseyez pour manger ?
– Evidement! Vous faites comment là haut?
– Debout! Un sandwich vite fait dans l’arrière boutique…
– ????
– Au cas où un client entre.
– Donc pour un éventuel client, tu serais prêt à sacrifier ton équilibre alimentaire, physique et mental ?
– Le client est roi.
– Oui, mais à cette heure-ci il est surtout rare. Allez viens, on va manger un p’tit bout, j’t’invite.
– Mais je peux pas fermer, il est 13h !
– Ouais, et bien c’est pas gagné. Va quand même te falloir une petite période d’adaptation. Mais tu sais quoi ? Ça va te faire du bien d’être ici. Dans quelque temps, on va plus te reconnaître, tu vas devenir presque aussi cool que Fonzy.
10
LE PAUL’S PLACE TU DÉCOUVRIRAS
Officiellement le PP (Paul’s place) est un café mais en fait c’est… …chuuuuuttttt, surtout répétez pas ce que je vais vous dire, botox et mouche cousue hein !?… C’est une faille spatio – temporelle au milieu des Chartrons. L’autre côté du miroir. Une sorte de refuge pour qui souhaite se mettre à l’abri du temps qui passe, s’affranchir un instant du quotidien. Quand on entre au Paul’ place… d’ailleurs on n’ y entre pas, quelque chose vous y pousse… vous pénétrez un monde parallèle.
Vous pensez arriver dans un café et vous vous retrouvez, selon votre perception (vous vous rappelez hein ?: tout est relatif) dans un boudoir; un café-théâtre; un compartiment de l’Orient Express; une boîte géante à souvenirs; le TARDIS du docteur Who… Bref, chacun voit ce qu’il entend.
Suivant le programme, vous vous retrouvez à prendre un cheese cake au milieu d’une répétition de ukulélé… une bière en pleine soirée poésie… un café avec en fond, Beatles, Pink floyd, Brassens et autres légendes musicales … et des jours vous pourrez même prendre un thé en silence…
Pour résumer et conclure à la fois, j’emprunterai cette citation à « Forrest Gump » et la détournerai légèrement : « Le Paul’s place, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber. »
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